jeudi 31 décembre 2009

Israël ressemble à un Etat raté

par Ali Abunimah - The Electronic Intifada

Ce que nous avons fait en solidarité avec le peuple palestinien dans Gaza et le reste de la Palestine est encore insuffisant. Mais notre mouvement va croissant, il ne peut pas être arrêté, et nous atteindrons notre destination
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Plus de 1 400 Palestiniens ont été tués dans l’opération Plomb durci, mais selon l’auteur, la guerre a nui sérieusement à l’image d’Israël dans l’opinion publique internationale.
(EPA)

Un an a passé depuis l’agression sauvage israélienne sur la bande de Gaza, mais pour la population là-bas, le temps aurait aussi bien pu s’arrêter.
Depuis que les Palestiniens dans Gaza ont enterré les leurs - plus de 1 400 personnes, dont près de 400 enfants -, il y a eu bien peu de guérisons et pratiquement pas de reconstructions.
Selon des organismes humanitaires internationaux, seuls 14 camions de matériaux de construction ont pu entrer dans la bande de Gaza au cours de l’année écoulée.
Les promesses de milliards faites à la conférence des donateurs, en mars dernier en Egypte, à laquelle participaient les sommités de la soi-disant « communauté internationale » et celles de l’industrie du processus de paix au Moyen-Orient n’ont pas été tenues, et le siège israélien soutenu par les Etats-Unis, l’Union européenne, les Etats arabes et, tacitement, par l’Autorité palestinienne de Ramallah se poursuit.
Politique de destructions
De la masse des statistiques, interminables, effroyables, quelques-unes ressortent : sur les 640 établissements scolaires de Gaza, 18 ont été complètement détruits et 280 endommagés par les frappes israéliennes. 250 étudiants et 15 enseignants ont été tués.
Sur les 122 établissements de santé estimés par l’Organisation mondiale de la Santé, 48% ont été endommagés ou détruits.
90% des ménages de la bande de Gaza subissent toujours des coupures d’électricité de 4 à 8 heures par jour, à cause des attaques israéliennes sur le réseau d’électricité et des dégradations dues au blocus.
46% des terres agricoles autrefois productives ne sont plus utilisables à cause des dommages israéliens sur les exploitations agricoles et des zones de tir libre décidées par Israël. Les exportations de Gaza qui montaient à 130 000 tonnes par an, de tomates, de fleurs, de fraises et d’autres fruits, sont tombées à zéro.
« Si une grande partie de la bande de Gaza est toujours en ruines, » a déclaré récemment un groupe d’organisations humanitaires internationales, « ce n’est pas un accident, c’est une question politique ».
Cette politique a été claire tout au long, et elle n’a rien à voir avec la « sécurité » d’Israël.
Détruire la résistance
Du 19 juin au 4 novembre 2008, le calme avait prévalu entre Israël et Gaza, le Hamas se conformant scrupuleusement - comme Israël lui-même l’a reconnu - au cessez-le-feu négocié. Ce cessez-le-feu fut rompu quand Israël lança une attaque surprise sur Gaza, tuant 6 personnes, à laquelle le Hamas et d’autres groupes de résistances ripostèrent.
Et même alors, les factions palestiniennes se tenaient prêtes à renouveler le cessez-le-feu, mais c’est Israël qui a refusé, choisissant au contraire de lancer une attaque de grande ampleur, préméditée, sur les fondements de la vie civilisée dans la bande de Gaza.
L’opération Plomb durci, comme elle fut nommée par Israël, était une tentative de détruire une fois pour toutes la résistance palestinienne en général, et le Hamas en particulier, Hamas qui avait remporté les élections de janvier 2006 et survécu au blocus, ainsi qu’aux nombreuses tentatives appuyées par les Etats-Unis pour le saper et le renverser, en collaboration avec des milices palestiniennes soutenues par les Etats-Unis.
A l’instar des multiples sanctions contre l’Irak au cours des années 90, le blocus de Gaza était calculé pour priver les civils des produits de première nécessité, de leurs droits et de leur dignité, dans l’espoir que leurs souffrances conduiraient leurs dirigeants à la capitulation ou l’effondrement.
A bien des égards, les choses sont peut-être plus graves aujourd’hui qu’il y a un an.
Barack Obama, président US, dont beaucoup espéraient qu’il abandonne la politique anti-palestinienne malveillante de son prédécesseur, George Bush, l’a au contraire affermie et même le simulacre d’un sérieux effort de paix s’est évanoui.
Selon les médias, le Corps du Génie de l’armée américaine apporte son aide à l’Egypte pour la construction d’un mur souterrain à sa frontière avec Gaza pour bloquer les tunnels qui font office de bouée de sauvetage pour le territoire assiégé (des ressources et des efforts qui feraient mieux d’être utilisés pour reconstruire la Nouvelle-Orléans dévastée par l’ouragan), et l’armement états-unien continue d’affluer vers les milices de Cisjordanie engagées dans une guerre parrainée par les USA et Israël contre le Hamas et quiconque pourrait résister à l’occupation et à la colonisation israéliennes.
L’opinion publique a changé
Ces faits sont indéniables et sinistres.
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Pour l’auteur, la guerre visait à éroder le soutien au Hamas, et elle a échoué.
(Gallo/Getty)
Cependant, s’en tenir à eux serait passer à côté d’une réalité beaucoup plus dynamique qui laisse penser que la puissance et l’impunité d’Israël ne sont pas aussi invulnérables qu’il ne le paraît.
Un an après l’attaque d’Israël et après plus de deux ans et demi de blocus, la population palestinienne dans la bande de Gaza n’a pas capitulé. Au contraire, elle a donné des leçons au monde, de ténacité et de dignité, cela même à un coût épouvantable, inimaginable pour elle.
Il est vrai que les dirigeants de l’Union européenne -venus dans la Jérusalem occupée, en janvier dernier, étreindre publiquement Ehud Olmert, alors Premier ministre israélien, pendant que le phosphore blanc calcinait la chair des enfants de Gaza et que les corps gisaient sous les décombres - il est vrai que ces dirigeants se sont faits petits devant leurs lobbies proisraéliens respectifs, tout comme les politiciens états-uniens et canadiens.
Mais le changement de l’opinion publique est palpable alors que les propres actions d’Israël font de ce pays un paria dont les forces motrices ne sont pas les valeurs libérales démocratiques auxquelles il prétend s’identifier, mais l’ultralibéralisme, le racisme, le fanatisme religieux, le colonialisme et un ordre juif supérieur, imposés par des massacres répétés.
La cause universaliste de justice et de libération pour les Palestiniens gagne de nouveaux adeptes et se dynamise particulièrement chez les jeunes.
Je l’ai vu, par exemple, avec les étudiants malaisiens que j’ai rencontrés à la conférence Solidarité Palestine organisée par l’Union des ONG du monde islamique, à Istanbul, en mai dernier.
Et à nouveau en novembre, alors que des centaines d’organisateurs étudiants venant de partout des Etats-Unis et du Canada s’accordaient pour planifier leur participation à la campagne mondiale des Palestiniens pour le Boycott, les Désinvestissements et les Sanctions (BDS) sur le modèle de la lutte victorieuse menée contre l’apartheid sud-africain dans les années 80.
Un Etat « décadent »
Cette semaine, des milliers de personnes de plusieurs dizaines de pays tentent d’aller à Gaza pour briser le siège et marcher aux côtés des Palestiniens qui en ont prévu l’organisation à l’intérieur de leur territoire.
Toutes celles et tous ceux qui sont venus avec la Marche de la liberté pour Gaza, avec Viva Palestina et les autres délégations en représentent sans doute des centaines d’autres qui ne pouvaient faire le voyage en personne et qui marquent l’évènement avec des manifestations et des commémorations, des visites à leurs élus et des campagnes de presse.
Face à cet épanouissement du militantisme, le sionisme fait tout pour rajeunir sa base de soutien qui décline. Des programmes de plusieurs millions de dollars destinés à recruter et à sioniser de jeunes juifs américains ont du mal à rivaliser avec des organisations tel que le Réseau international juif antisioniste (IJAN), qui ne court pas après l’argent mais dont l’engagement se fonde sur le principe d’égalité des hommes.
De plus en plus, nous voyons les efforts de la hasbara (propagande) d’Israël ne lancer aucun message positif, n’avancer aucun argument convaincant pour le maintien d’un statu quo dans une répression et une violence innommables, ils misent au contraire sur une diabolisation et une déshumanisation racistes des Arabes et des musulmans pour justifier les actions d’Israël, voire sa propre existence.
Face à une prise de conscience mondiale et un soutien croissants pour le combat non violent courageux contre le vol permanent des terres en Cisjordanie, Israël intensifie sa violence et emprisonne les dirigeants du mouvement, comme à Bil’in et dans d’autres villages (Mohammed Othma, Jamal Juma et Abdallah Abu Rahmeh sont de ces dirigeants du mouvement qui ont été récemment arrêtés).
La peur de voyager
En agissant ainsi, Israël ressemble de plus en plus à un Etat décadent, raté, pas à un régime confiant dans sa légitimité et sa longévité.
Et malgré les efforts de l’industrie d’un processus de paix raté pour le tourner en ridicule, le réprimer et le marginaliser, un débat se développe parmi les Palestiniens, et même parmi des Israéliens, pour un avenir partagé dans une Palestine/Israël fondée sur l’égalité et la décolonisation, et non sur une ségrégation nationale ethnique et une répartition forcée.
Dernier point, mais certainement pas le moindre, dans l’ombre du rapport Goldstone, les dirigeants israéliens qui se déplacent à travers le monde ont peur de se faire arrêter pour leurs crimes.
Pour l’instant, ils peuvent compter sur l’impunité qu’une complicité internationale de haut niveau et leur force d’inertie et influence peuvent encore leur offrir.
Mais pour la communauté internationale - faite de peuples et de mouvements -, se pose la question de savoir si nous voulons continuer de voir le système très inachevé du droit international et de la justice, minutieusement élaboré après les horreurs de la Deuxième Guerre mondiale et l’Holocauste nazi, se démanteler et se corrompre pour l’intérêt d’un Etat voyou.
Ce que nous avons fait en solidarité avec le peuple palestinien dans Gaza et le reste de la Palestine est encore insuffisant. Mais notre mouvement va croissant, il ne peut pas être arrêté, et nous atteindrons notre destination.

Source: The electronic Intifada

Ali Abunimah est cofondateur de The Electronic Intifada et l’auteur de One Country : A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse (Metropolitan Books, 2006).

mardi 29 décembre 2009

Gaza : Viva Palestina, caravane pour briser le blocus

mardi 29 décembre 2009 - Al-Jazeera
La caravane va maintenant prendre la direction du port syrien de Latakia pour y embarquer vers le port égyptien d’El Arish, puis se rendre ensuite à Gaza. La caravane Viva Palestina, qui fut bloquée à Aqaba ces cinq derniers jours, est dirigée par George Galloway, député britannique. La Turquie a dépêché un représentant samedi pour tenter de convaincre les Egyptiens d’autoriser la caravane à traverser la mer Rouge au port de Nuweiba, la route la plus directe pour se rendre à Gaza, l’Egypte soutenant que la caravane ne pouvait entrer que par El-Arish, sur sa côté méditerranéenne. Viva Palestina et une autre caravane, la Marche pour la liberté de Gaza, avaient prévu d’arriver dimanche, 27 décembre, pour commémorer le premier anniversaire de la guerre israélienne contre Gaza qui a tué 1 400 Palestiniens, et 13 Israéliens. Pendant ce temps, au moins 300 Français de la Marche pour la liberté de Gaza ont passé la nuit à camper devant leur ambassade au Caire, bloquant une grande avenue de la capitale égyptienne, pendant que la police anti-émeute, brandissant des boucliers en plexyglas, les entouraient. L’Egypte furieuse (JPG) L’Egypte accuse les manifestants français de mentir (AFP) Hossam Zaki, porte-parole du ministère des Affaires étrangères égyptien, a accusé les manifestants français de mentir et de tenter d’embarrasser l’Egypte. « Ils ont prétendu qu’ils avaient des aides à porter aux Palestiniens dans la bande de Gaza, ce qui est un mensonge, » aurait-il déclaré selon Mena News Agency. « Ils veulent avoir une couverture médiatique et faire pression, embarrasser l’Egypte, » dit-il. Dimanche, la police a brièvement détenu 38 internationaux à El-Arish, dans le Sinaï, selon les organisateurs. « A midi (10h GMT) le 27 décembre, les forces de sécurité égyptiennes ont gardé en détention un groupe de 30 militants dans leur hôtel à El-Arish alors qu’ils se préparaient à partir pour Gaza, les plaçant en résidence surveillée, » ont-ils déclaré. « Un autre groupe de 8 personnes, des citoyens américains, britanniques, espagnols, japonais et grecs, ont été gardés en détention à la gare routière d’El-Arish, dans l’après-midi du 27 décembre. » Dimanche, la police égyptienne a également bloqué quelque 200 manifestants qui voulaient utiliser des bateaux en location pour un cortège naval sur le Nil en commémoration de tous ceux qui sont morts dans la guerre de Gaza. Le 31 décembre, les participants espèrent rejoindre les Palestiniens « dans une marche non violente du nord de Gaza jusqu’à la frontière avec Israël à Erez » disent les organisateurs. 29 décembre 2009 - Al Jazeera - traduction : Info-Palestine.net

lundi 28 décembre 2009

George Galloway, Député britannique à la tête de « Viva Palestine » explique à Al Jazeera pourquoi le convoi doit être autorisé à poursuivre sa route.


George Galloway : "C’était le jour de Noël mais il n’y avait aucune place à l’hôtel pour les voyageurs fatigués.

Refoulés par la république arabe d’Égypte, les 500 membres du convoi « Viva Palestina » allant vers Gaza ont passé Noël sur un parking à Aqaba.

La dernière fois qu’un aussi grand nombre de ressortissants Turcs, Arabes et Britanniques étaient réunis dans cette ville, c’était pour se battre les uns contre les autres durant la première guerre mondiale.

Maintenant, ils se battent pour briser le siège imposé au peuple palestinien dans Gaza.

Il sera toujours temps ensuite de revoir le rôle de chacun dans cette triste histoire de Noël, mais pour l’instant je fais appel à tout le monde pour nous aider à atteindre Gaza.

Nos médicaments sont dans une course contre la montre à cause de leur date d’expiration et ils peuvent s’abîmer sous le soleil du désert. Et des gens meurent dans la bande de Gaza, faute de certains de ces médicaments.
Le gouvernement de la Turquie et son respecté premier ministre [Recep Tayyip] Erdogan font de leur mieux, tout comme l’ancien Premier ministre de Malaisie, M. Mahathir Mohamad, ainsi que l’épouse de l’actuel premier ministre à Kuala Lumpur.
J’ai écrit à la reine Rania de Jordanie, lui demandant de contacter Suzanne Moubarak qui, tout en étant la première dame d’Egypte est aussi la responsable du Croissant-Rouge égyptien, pour voir si c’est la testostérone qui est le problème [allusion au manque de courage des interlocuteurs masculins ? N.d.T].
Les faits sont là : plus de 200 camions et 500 personnes venant de 17 pays différents ont renoncé à leurs vacances de Noël pour tenter d’aider un million et demi d’Arabes et de Musulmans dans Gaza.
Nous sommes à quatre heures de route de Rafah, en traversant la mer Rouge.

Et un gouvernement arabe nous l’interdit. La question est : que vont faire les 300 millions d’Arabes contre ce lent et tranquille massacre de leurs frères derrière les barbelés ?"

28 décembre 2009 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :

George Galloway Liban SKYNEWS (FRANCAIS)


dimanche 27 décembre 2009

L’Egypte refuse l’entrée du Convoi d’aide pour Gaza Viva Palestina !! Par Viva Palestina


Le gouvernement égyptien a refusé l’entrée du Convoi Viva Palestina, qui transporte de l’aide médicale et humanitaire pour Gaza. Des centaines de tonnes d’aide, dont du matériel médical spécialisé et du lait en poudre pour bébés, sont maintenant stockées dans le port jordanien d’Aqaba, attendant l’autorisation d’entrée en Egypte par le Golfe d’Aqaba. C’est le consulat d’Egypte à Aqaba qui a donné l’information au convoi international d’environ 150 véhicules et plus de 400 personnes venant de 17 pays, tard la veille de Noël.

Le député britannique George Galloway, qui voyage avec le convoi, a dit : « Nous sommes très tristes que l’Egypte nous refoule le jour de Noël, mais nous espérons qu’ils reconsidèreront leur décision. Le convoi est très déterminé et nous n’allons pas ailleurs qu’à Gaza. »
Le convoi, organisé la Palestine Solidarity Campaign en Grande-Bretagne, a quitté Londres le 6 décembre. Il a traversé sans problème l’Europe, la Turquie, la Syrie et la Jordanie sur sa route pour Gaza.
Il espère entrer à Gaza et forcer les trois ans et demi de blocus israélien illégal de la Bande par le carrefour frontalier de Rafah, le 27 décembre.
Cette date marque le premier anniversaire du début de trois semaines d’attaque israélienne terrestre, aérienne et maritime contre Gaza, qui a fait plus de 1.400 morts palestiniens.

Alice Howard, Viva Palestina UK - Administration Manager Tel: 07944 512 469
Email: alice@vivapalestina.org ; Website: http://www.vivapalestina.org/
____________________________
Note ISM :
Inondons les autorités égyptiennes de messages de protestation. Demandons la fin du blocus infâme contre la Bande de Gaza, le passage libre du Convoi Viva Palestine et des participants à la Gaza Freedom March. Et dénonçons la collaboration honteuse de l'Egypte avec l'entité sioniste maudite, en particulier la construction d'un nouveau mur d'acier qui va consciencieusement etouffer encore davantage la population palestinienne de la Bande de Gaza.

Ambassade d'Egypte à Paris : contact@bureaucultureleg.fr
01 53 67 88 30 - Fax : 01 47 23 06 43.
Premier secrétaire : M. Al Naggary : nanaggary@hotmail.com

Source : Viva Palestina Traduction : MR pour ISM

samedi 26 décembre 2009

LE MUR DE LA VASSALITE


LE MUR DE LA VASSALITE
par K. Selim
Une année après la sanglante agression israélienne contre la bande de Ghaza et alors que la population palestinienne continue de subir un encerclement qui empêche la reconstruction d'une infrastructure minimale, le régime égyptien, contre l'écrasante majorité de l'opinion égyptienne, construit un mur d'acier souterrain pour empêcher les Palestiniens de construire des tunnels.

 Le gouvernement égyptien invoque des impératifs de sécurité nationale, alors qu'il est évident que le but est d'étrangler davantage la population palestinienne dont la nourriture et les médicaments proviennent de la contrebande souterraine entre Ghaza et l'Egypte. Le ministre égyptien des Affaires étrangères s'essaye à la litote : «Que ce soit un mur ou des sondes, l'essentiel c'est que le territoire égyptien soit protégé », a déclaré le vizir Aboul-Gheit.

 Qui donc menace le territoire égyptien ? Qui peut croire en effet que les Palestiniens de Ghaza ou d'ailleurs puissent constituer une menace quelconque contre la sécurité de l'Egypte ? Pour l'essentiel de l'opinion publique égyptienne, la fermeture du passage de Rafah est déjà insupportable au regard de l'histoire de l'Egypte. La mise en place d'un mur d'acier anti-palestinien, truffé de senseurs destiné à rendre encore plus hermétique l'encerclement criminel de Ghaza, constitue un véritable affront pour la population. Les médias égyptiens se sont lamentés sur tous les registres après le match de Khartoum, déplorant que l'immense Egypte ne soit plus respectée dans le monde arabe. En réalité, quoi qu'en disent les choeurs de pleureuses, ce sont les actes des gouvernants égyptiens qui sont des sources d'humiliation pour le peuple du Nil.

 Celui-ci n'a jamais suivi un régime déshonoré et continue, par solidarité avec les Palestiniens, de refuser toute normalisation avec Israël. Le mur d'acier souterrain est un sinistre cadeau de fin d'année du régime aux Palestiniens et aux Egyptiens. Pourquoi un régime choisit-il d'aller si ouvertement contre son opinion publique sur une question aussi sensible ?

 L'armée des «douktours», qui ont «brillé» sur les chaînes satellitaires dans la campagne d'intox et de diversion anti-algérienne, a l'habitude des concepts creux pour théoriser l'injustifiable, comme par exemple les «obligations de l'Etat égyptien au regard du droit international» ou son «devoir de préserver la sécurité nationale». Mais les Egyptiens savent que ce mur n'est que l'expression en acier d'un Etat à souveraineté limitée. Ce mur est une exigence israélienne, relayée par les Américains, et construit avec l'aide technique des services occidentaux, toujours prêts à casser de l'Arabe.

On se souvient que le 17 janvier 2009, alors que l'agression contre Ghaza tirait à sa fin, Washington annonçait que Condoleezza Rice et son homologue israélienne Tzipi Livni avaient paraphé un accord bilatéral destiné à favoriser la lutte contre la contrebande vers la bande de Gaza. Le ministère égyptien des Affaires étrangères avait annoncé pour la forme que l'accord ne l'engageait pas. Or, non seulement il l'engage, mais il en est l'exécutant empressé. Toute décision prise à Washington, sans même que l'on prenne la peine de faire participer les Egyptiens, est un ordre pour Le Caire. La construction du mur d'acier pour enfermer une population abandonnée est une preuve de plus de la vassalité d'un régime qui ne joue du muscle qu'avec les Palestiniens et ses opposants.
Source: Le Quotidien d'Oran

mercredi 23 décembre 2009

En Israël, des prélèvements d’organes imposés à des Palestiniens

Par Gilles Devers, Avocat 

medical%20ethics%20at%20the%20dawn%20of%2021st%20century.jpgLes corps de Palestiniens mutilés par des prélèvements d’organes avant d’être rendus aux familles. Ce qui semblait une rumeur folle est depuis ce week-end reconnu comme vérité par l’armée israélienne.
C’est au cours de cet été 2009 que la rumeur avait circulé : des médecins légistes israéliens auraient collecté les organes de corps de Palestiniens, sans autorisation des familles. Une rumeur, devenue polémique. Trop gros pour être vrai, malgré les témoignages de familles, et les photos de corps marqués par d’incompréhensibles balafres. Or, aujourd’hui, la rumeur est devenue réalité.
Tout est parti de déclarations faites par le Dr Jehuda Hiss, ancien directeur du principal institut médico-légal israélien Abu Kabir, à une universitaire américain, Nancy Scheper-Hugues, professeur à Berkeley, au cours de l’année 2 000, et filmées. Devant le trouble né de cette controverse,  cette universitaire avait fait part cet été de ces déclarations restées cachées, et la presse suédoise avait repris l’info. L’article de Donal Boström, du quotidien suédois Aftonbladet, allait très loin.
Extrait. « Les familles en Cisjordanie et à Gaza étaient sûres de ce qui était arrivé à leurs fils : "Nos fils sont utilisés comme donneurs d'organes involontaires", m’a dit un proche de Khaled de Naplouse, de même que la mère de Raed de Jénine et les oncles de Mahmoud et Nafes dans la bande de Gaza, qui ont tous disparu pendant un certain nombre de jours avant de revenir de nuit, morts et autopsiés. "Pourquoi sinon garder les corps pendant au moins cinq jours avant de nous laisser les enterrer? Qu'est-il arrivé aux corps pendant cette période? Pourquoi effectuent-ils une autopsie, contre notre volonté, lorsque la cause du décès est évidente? Pourquoi les corps sont-ils rendus de nuit? Pourquoi avec une escorte militaire? Pourquoi la zone est-elle bouclée pendant l'enterrement? Pourquoi l'électricité est-elle coupée?" L’oncle de Nafe était bouleversé, et il avait beaucoup de questions. »
Le journal avait aussi soutenu que des soldats palestiniens avaient été tués pour qu'on prélève leurs organes. Les dirigeants d’Israël avaient vivement protesté, exigeant des excuses, ce qu’avaient refusé le journal et le gouvernement suédois.ethics-fig1.jpg
Nouvelle étape, décisive, ce week-end avec la diffusion d’extraits de l'entretien, sur la 2e chaîne de télévision israélienne. Le Dr Jehuda Hiss confirme. « Des cornées ont été prélevées sur des cadavres  de manière extrêmement informelle. Aucune autorisation n'était demandée à la famille ». L'ancien responsable reconnait le caractère illicite de ces pratiques : « Nous collions les paupières fermées. Nous ne prenions pas de cornées quand nous savions que les familles ouvriraient les yeux ». Il explique aussi que dès 1987, un an avait son arrivée, des chirurgiens militaires utilisaient de la peau prélevée sur des corps pour des greffes de brûlés. Le reportage ajoute que les médecins de l’institut prélevaient la peau, la cornée, les valves cardiaques et les os des cadavres de soldats et citoyens israéliens, de Palestiniens et d'étrangers, généralement sans même l'autorisation de leurs familles.
Devant cette interview, l’armée, dans un communiqué, a reconnu que les faits, s’agissant des prélèvements de cornée, et affirmant qu’il a été mis fin à ces pratiques il y a dix ans. On apprend aussi que le Dr Jehuda Hiss a été démis de ses fonctions en 2004, en raison des irrégularités dans l'emploi des organes prélevés. Mais les poursuites pénales  à son encontre ont été abandonnées, et il travaille toujours à l'institut comme pathologiste en chef. Le ministère de la santé vient de reconnaitre la réalité des prélèvements, s’agissant de la cornée, expliquant qu’à l’époque les règles n’étaient pas claires.
Comment peut-on soutenir une telle chose ! Les bases de la déontologie médicale, qui reposent sur le principe intangible du consentement, sont de toujours, et ont été rappelées à maintes reprises par de grandes déclarations internationales : Code de Nuremberg en 1947, Déclaration d'Helsinki en 1964, de Tokyo en 1975, de Venise en 1983, de Hong Kong en 1989…. Et peut-on imaginer une seule philosophie ou une seule religion qui ne pose pas comme un principe sacré le respect du corps humain ?
Ces informations sont graves, et il n’est pas possible de satisfaire d’une demi vérité. Il faut une vraie enquête internationale. Impossible d’accepter une frontière à la déontologie médicale, qui est la marque de la dignité humaine.
Source:http://lesactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr/archive/2009/12/23/en-israel-des-prelevements-d-organes-imposes-a-des-palestini.html

mardi 22 décembre 2009

jeudi 17 décembre 2009

Théologie de la libération //Un groupe de théologiens chrétiens Palestiniens lance un cri d'espérance

Le document Kairos de Palestine


par Sa Béatitude Mgr Michel Sabbah*, Sa Grâce Mgr Munib Younan*, Son Éminence Mgr Theodosios Atallah Hanna*, Rev. P. Jamal Khader*, Mgr Rafiq Khoury*, Rev. Mitri Raheb*, Rev. Naim Ateek*, Rev. Yohana Katanacho, Rev. Fadi Diab*, Geries S. Khoury*, Cedar Duaybis*, Nora Kort*, Lucy Thaljieh, Nidal Abu El Zuluf, Yusef Daher*, Rifat Kassis*


Un groupe de leaders religieux, représentant les principales confessions chrétiennes (à l’exception des Églises évangéliques anglo-saxonnes), demande aux théologiens de ne pas légitimer les injustices faites aux Palestiniens. Ils rappellent le devoir des fidèles de résister au mal et les appellent en particulier à participer au boycott des produits israéliens. En outre, ils dénoncent la définition juive de l’État d’Israël et appellent au respect de tous.


Un moment de vérité : Une parole de foi, d’espérance et d’amour venant du cœur de la souffrance palestinienne


Nous, un groupe de Palestiniens chrétiens, après avoir prié, réfléchi et échangé devant Dieu sur l’épreuve que nous vivons sur notre terre, sous occupation israélienne, nous faisons entendre aujourd’hui notre cri, un cri d’espoir dans l’absence de tout espoir, uni à notre prière et à notre foi en Dieu qui veille, dans sa divine Providence, sur tous les habitants de cette terre. Nous inspirant du mystère de l’amour de Dieu pour tous et de celui de sa présence divine dans l’histoire des peuples et, plus particulièrement, dans celle de notre terre, nous voulons dire aujourd’hui notre parole, comme chrétiens et comme Palestiniens, une parole de foi, d’espérance et d’amour.


Pourquoi maintenant ? Parce que le drame du peuple palestinien est arrivé, aujourd’hui, à une impasse, et que ceux qui peuvent prendre les décisions se contentent de gérer le conflit au lieu d’agir sérieusement pour le résoudre. Cela remplit les cœurs des fidèles de peine et de questionnements : que fait la communauté internationale ? Que font les chefs politiques en Palestine, Israël et dans le monde arabe ? Et, que fait l’Eglise ? Car il ne s’agit pas simplement d’une question politique, mais, plutôt, d’une politique qui détruit la personne humaine. Et cela concerne l’Eglise.


Nous nous adressons à nos frères et sœurs dans nos Eglises ici, dans cette terre. De même que nous adressons notre appel, en tant que Palestiniens et en tant que chrétiens, à nos chefs religieux et politiques, à notre société palestinienne et à la société israélienne, aux responsables de la communauté internationale et à nos frères et sœurs dans les Eglises du monde.


1. La réalité


1.1 “Ils disent ‘Paix ! Paix !’ et il n’y a point de paix” (Jr 6,14). Tous en effet parlent de paix et de processus de paix au Moyen-Orient, alors que tout cela n’est jusqu’à maintenant que pures paroles. Alors que la réalité est l’occupation israélienne des Territoires palestiniens, notre privation de notre liberté et tout ce qui en résulte :


1.1.1 Le mur de séparation, qui a été construit sur les terrains palestiniens, en a confisqué une grande partie, a converti nos villes et nos villages en prisons et en a fait des cantons séparés et dispersés. Gaza, après la guerre cruelle déclenchée par Israël en décembre 2008 et janvier 2009, continue à vivre dans des conditions inhumaines, sous embargo permanent et reste isolée géographiquement du reste des Territoires palestiniens.


1.1.2 Les colonies israéliennes qui nous dépouillent de notre terre, au nom de Dieu ou au nom de la force, contrôlent nos ressources naturelles, surtout l’eau et les terres agricoles, dont elles privent des centaines de milliers de Palestiniens. Elles sont aujourd’hui un obstacle face à toute solution politique


1.1.3 L’humiliation à laquelle nous sommes soumis chaque jour aux points de contrôle militaires, pour nous rendre à notre travail, à nos écoles ou à nos hôpitaux.


1.1.4 La séparation entre les membres d’une même famille, qui rend la vie familiale impossible pour des milliers de Palestiniens, lorsque l’un des époux n’est pas porteur d’une carte d’identité israélienne.


1.1.5 La liberté religieuse elle-même, à savoir la liberté d’accès aux lieux saints, devient limitée, sous prétexte de sécurité. Les lieux saints de Jérusalem sont inaccessibles à un grand nombre de chrétiens et de musulmans de la Cisjordanie et de Gaza. Les gens de Jérusalem eux-mêmes ne peuvent accéder à leurs lieux saints certains jours de fêtes, de même que certains de nos prêtres arabes ne peuvent entrer à Jérusalem sans difficultés.


1.1.6 Les réfugiés font partie de notre réalité. La plupart d’entre eux vivent encore dans les camps dans des situations difficiles inacceptables pour les êtres humains. Eux, qui ont le droit de retour, attendent ce retour depuis des générations. Quel sera leur sort ?


1.1.7 Les milliers de personnes détenues dans les prisons israéliennes font elles aussi partie de notre réalité. Les Israéliens remuent ciel et terre pour un seul prisonnier, mais ces milliers de prisonniers palestiniens qui croupissent dans les prisons israéliennes, quand verront-ils la liberté ?


1.1.8 Jérusalem est le cœur de notre réalité. Elle est en même temps symbole de paix et signe de conflit. Après que le “mur” a créé une séparation entre les quartiers palestiniens de la ville, les autorités israéliennes ne cessent de la vider de ses habitants palestiniens, chrétiens et musulmans. On leur confisque leur carte d’identité, c’est-à-dire leur droit de résider à Jérusalem. Leurs maisons sont démolies ou confisquées. Jérusalem, ville de la réconciliation, est devenue la ville de la discrimination et de l’exclusion, et donc source de conflit au lieu d’être source de paix.


1.2 Par ailleurs, Israël tourne en dérision le droit international et les résolutions internationales, avec l’impuissance du monde arabe comme de la communauté internationale face à ce mépris. Les droits de l’homme sont violés. Malgré les multiples rapports des organisations locales et internationales des droits de la personne, l’oppression continue.


1.2.1 Les Palestiniens de l’Etat d’Israël, tout en étant des citoyens ayant tous les droits et les devoirs que leur confère la citoyenneté, ont eux aussi subi une injustice historique et ne cessent de souffrir de politiques discriminatoires. Eux aussi attendent d’obtenir tous leurs droits et d’être traités à égalité avec tous les citoyens de l’Etat.


1.3 L’émigration est une autre dimension de notre réalité. L’absence de toute vision ou espoir de paix et de liberté a poussé les jeunes, chrétiens et musulmans, à émigrer. Le pays se voit ainsi privé de sa ressource la plus importante et la plus riche : une jeunesse instruite. La diminution du nombre de chrétiens, en particulier en Palestine, est une des graves conséquences de ce conflit, de l’impuissance et de l’échec aux niveaux local et international à trouver une solution globale au problème.


1.4 Face à cette réalité les Israéliens prétendent justifier leurs actes comme actes de légitime défense. C’est pourquoi l’occupation continue, de même que les punitions collectives et les représailles de toutes sortes contre les Palestiniens. C’est là, à notre avis, une vision renversée des choses. Oui, il y a une résistance palestinienne à l’occupation. Mais, précisément, s’il n’y avait pas d’occupation, il n’y aurait pas de résistance ; il n’y aurait eu non plus ni peur ni insécurité. Voilà ce que nous constatons, et nous appelons les Israéliens à mettre fin à l’occupation. Ils verront alors un nouveau monde, dans lequel il n’y a ni peur ni menaces, mais sécurité, justice et paix.


1.5 La riposte palestinienne face à cette réalité a revêtu de nombreuses formes. Certains ont choisi la voie des négociations : c’est là la position officielle de l’Autorité palestinienne. Mais cela n’a pas fait avancer le processus de paix. D’autres partis politiques ont eu recours à la résistance armée. Israël s’en est servi comme prétexte pour accuser les Palestiniens d’être des terroristes, ce qui lui a permis d’altérer la véritable nature du conflit, le présentant comme une guerre israélienne contre le terrorisme et non comme une résistance palestinienne légitime à l’occupation israélienne.


1.5.1 Le conflit interne entre les Palestiniens, ainsi que la séparation de Gaza du reste des territoires palestiniens n’ont fait qu’aggraver la tragédie. Il convient aussi de noter que bien que la division ait affecté les Palestiniens eux-mêmes, la responsabilité pèse pour beaucoup sur la communauté internationale, car elle a refusé d’accueillir positivement la volonté du peuple palestinien telle qu’elle a été exprimée avec les résultats des élections menées démocratiquement et légalement en 2006.


Encore une fois, nous proclamons que notre parole chrétienne, au milieu de toute notre tragédie, est une parole de foi, d’espérance et d’amour.


2. Une parole de foi


Nous croyons en Dieu, un Dieu bon et juste


2.1 Nous croyons en Dieu, un et unique, créateur de l’univers et de l’humanité, un Dieu bon, juste et aimant toutes ses créatures. Nous croyons que toute personne humaine est créée par Dieu à son image et à sa ressemblance. La dignité de l’être humain provient de celle de Dieu et elle est égale en toute personne humaine. Cela veut dire pour nous, ici et maintenant sur cette terre en particulier, que Dieu nous a créés non pour que nous nous disputions et nous affrontions


, mais afin que nous nous connaissions et nous aimions les uns les autres, et pour édifier ensemble cette terre, par notre amour et notre respect mutuel.


2.1.1 Nous croyons en son Verbe éternel, son Fils unique notre Seigneur Jésus Christ, qu’il a envoyé comme Sauveur du monde.


2.1.2 Nous croyons en l’Esprit Saint qui accompagne l’Eglise et l’humanité dans leur cheminement. C’est lui qui nous aide à comprendre les Ecritures, dans les deux Testaments, formant une seule unité, ici et maintenant. C’est lui qui nous révèle la manifestation de Dieu à l’humanité, dans le passé, le présent et l’avenir.


Comment comprendre la Parole de Dieu ?


2.2 Nous croyons que Dieu a parlé à l’humanité, ici, dans notre pays : “Après avoir, à maintes reprises et sous maintes formes, parlé jadis aux Pères par les Prophètes, Dieu, en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par le Fils qu’il a établi héritier de toutes choses, par qui aussi il a fait les siècles” (Hb 1, 1-2).


2.2.1 Nous, Palestiniens chrétiens, comme tout chrétien dans le monde, nous croyons que Jésus Christ est venu accomplir la Loi et les Prophètes. Il est l’alpha et l’oméga, le début et la fin. Illuminés par lui et guidés par le Saint Esprit, nous lisons les Ecritures, nous les méditons et nous les interprétons, comme le fit Jésus aux deux disciples d’Emmaüs : “Et, commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toutes les Ecritures, ce qui le concernait” (Lc 24,27).


2.2.2 Le Christ est venu proclamer que le Royaume de Dieu est proche. Il a provoqué une révolution dans la vie et la foi de l’humanité. Il nous a porté un “enseignement nouveau” (Mc 1,27) et une lumière nouvelle pour comprendre l’Ancien Testament et les principaux sujets qui y sont mentionnés et qui ont rapport avec notre foi chrétienne et notre vie quotidienne, tels les promesses, l’élection, le peuple de Dieu et la terre. Nous croyons que la Parole de Dieu est une parole vivante qui jette une lumière nouvelle sur chacune des périodes de l’histoire. Elle manifeste aux croyants ce que Dieu dit ici et aujourd’hui. C’est pourquoi il n’est pas permis de transformer la Parole de Dieu en lettres mortes qui défigurent l’amour et la Providence de Dieu dans la vie des peuples et des personnes. C’est là le défaut des interprétations bibliques fondamentalistes, qui nous portent la mort et la destruction lorsqu’elles figent la Parole de Dieu et la transmettent, comme parole morte, de génération en génération. Cette parole morte est utilisée comme une arme dans notre histoire présente, afin de nous priver de notre droit sur notre propre terre.


La vocation universelle de notre terre


2.3. Nous croyons que notre terre a une vocation universelle. Dans cette vision d’universalité, le concept des promesses, de la terre, de l’élection et du peuple de Dieu s’ouvrent pour embrasser toute l’humanité, à commencer par tous les peuples de cette terre. A la lumière des Ecritures Saintes nous voyons que la promesse de la terre n’a jamais été à la base d’un programme politique. Elle est plutôt une introduction au salut universel, et donc le début de la proclamation du Royaume de Dieu sur terre.


2.3.1 Dieu a envoyé à cette terre les patriarches, les prophètes et les apôtres porteurs d’un message universel. Aujourd’hui nous y constituons trois religions, le judaïsme, le christianisme et l’islam. Notre terre est terre de Dieu, comme l’est tout pays dans le monde. Elle est sainte par sa présence en elle, car lui seul est le Très Saint et le sanctificateur. Il est de notre devoir, nous qui l’habitons, de respecter la volonté de Dieu sur elle et de la libérer du mal de l’injustice et de la guerre qui est en elle. Terre de Dieu, elle doit être terre de réconciliation, de paix et d’amour. Et cela est possible. Si Dieu nous a mis, deux peuples, dans cette terre, il nous donne aussi la capacité, si nous le voulons, d’y vivre ensemble, d’y établir la justice et la paix et d’en faire vraiment une terre de Dieu : “Au Seigneur le monde et sa richesse, la terre et tous ses habitants” (Ps 24,1).


2.3.2 Notre présence, en tant que Palestiniens - chrétiens ou musulmans - sur cette terre n’est pas un accident. Elle a des racines profondes liées à l’histoire et à la géographie de cette terre, comme c’est le cas de tout peuple aujourd’hui qui vit sur sa terre. Une injustice a été commise à notre égard, lorsqu’on nous a déracinés. L’Occident a voulu réparer l’injustice qu’il avait commise à l’égard des juifs dans les pays d’Europe, et il l’a fait à nos dépens et sur notre terre. Il a ainsi réparé une injustice en en créant une autre.


2.3.3 De plus, nous voyons certains théologiens occidentaux vouloir donner eux aussi une légitimité théologique et scripturaire à l’injustice commise à notre égard. Selon leurs interprétations, les promesses sont devenues une “menace pour notre existence”, et la “bonne nouvelle” même de l’Evangile est devenue pour nous une “une annonce de mort”. Nous invitons ces théologiens à approfondir leur réflexion sur la Parole de Dieu et à rectifier leurs interprétations, de sorte à voir dans la Parole de Dieu une source de vie pour tous les peuples.


2.3.4 Notre lien avec cette terre est un un droit naturel. Ce n’est pas seulement une question d’idéologie ou de théorie théologique. Pour nous, c’est une question de vie ou de mort. Certains ne sont pas d’accord avec nous, et nous traitent même en ennemis pour la seule raison que nous voulons vivre libres sur notre terre. Parce que Palestiniens, nous souffrons à cause de l’occupation de notre terre, et parce que chrétiens, nous souffrons des fausses interprétations de certains théologiens. Face à cela, notre rôle consiste à rester fidèles à la Parole de Dieu, source de vie, non de mort, et à conserver la “bonne nouvelle” comme elle est, “bonne” pour nous et pour tous les hommes. Face à ceux qui menacent notre existence comme Palestiniens, musulmans et chrétiens, par les Ecritures Saintes, nous renouvelons notre foi en Dieu, car nous savons que la Parole de Dieu ne peut pas être pour nous une source de mort.


2.4 Nous déclarons donc que le recours à l’Ecriture Sainte pour justifier ou soutenir des choix ou des positions politiques se fondant sur l’injustice, imposés par un homme à son prochain ou par un peuple à un autre, transforme la religion en idéologie humaine et prive la Parole de Dieu de sa sainteté, de son universalité et de sa vérité.


2.5 Nous déclarons également que l’occupation israélienne des Territoires palestiniens est un péché contre Dieu et contre la personne humaine, car elle prive les Palestiniens des droits humains fondamentaux que Dieu leur a accordés, et défigure l’image de Dieu dans les Israéliens - devenus occupants - comme dans les Palestiniens, soumis à l’occupation. Toute théologie qui prétend justifier l’occupation en se basant sur les Ecritures, la foi ou l’histoire est bien loin des enseignements chrétiens, car elle appelle à la violence et à la guerre sainte au nom de Dieu, le soumettant à des intérêts humains du “moment présent” et déformant son image dans les êtres humains qui subissent une injustice politique et théologique.


3. L’espérance


3.1 Bien qu’il n’y ait apparemment aucune lueur d’espoir, notre espérance reste ferme. La situation présente, en effet, n’annonce aucune solution proche, ni la fin de l’occupation qui nous est imposée. Les initiatives sont certes nombreuses, de même que les congrès, les visites et les pourparlers, mais tout cela n’est suivi d’aucun changement dans notre réalité et nos souffrances. Même la nouvelle position des Etats-Unis, annoncée par le président Obama, et sa volonté manifeste de mettre fin à ce drame, a été incapable d’y apporter un quelconque changement. La réponse israélienne, refusant catégoriquement toute solution, ne laisse aucune place à l’espoir. Malgré cela, notre espérance reste ferme, car nous la tenons de Dieu. Il est bon, tout-puissant et aimant. Sa bonté finira par vaincre un jour le mal dans lequel nous vivons. Saint Paul nous dit : “Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Qui nous séparera de l’amour du Christ ? La tribulation, l’angoisse, la persécution, la nudité, les périls, le glaive ? Selon le mot de l’Ecriture : A cause de toi, l’on nous met à mort tout le long du jour.... aucune créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu” (Rm 8,31.35.36.39).


Que veut dire espérer ?


3.2 L’espérance qui est en nous signifie en tout premier lieu croire en Dieu et, deuxièmement, aspirer malgré tout à un avenir meilleur. Enfin, elle signifie ne pas fonder notre espoir sur des illusions, car nous savons que la solution n’est pas proche. Espérer veut dire être capable de voir Dieu au milieu de l’épreuve et d’agir avec son Esprit en nous. A partir de cette vision nous puisons la force pour persévérer, survivre et nous efforcer de changer notre réalité. Espérer veut dire ne pas se résigner devant le mal, mais dire non à l’oppression et à l’humiliation, et continuer à résister au mal. Nous ne voyons que destruction dans le présent et dans l’avenir ; nous voyons la tyrannie du plus fort et sa volonté d’imposer davantage de séparation raciste et de promulguer des lois qui bafouent notre dignité et notre existence. Nous voyons aussi perplexité et division parmi les Palestiniens. Cependant, si, aujourd’hui, nous résistons et agissons de toutes nos forces, peut-être que la ruine qui se dessine à l’horizon n’aura pas lieu.


Signes d’espérance


3.3 L’Eglise - ses chefs et ses fidèles - sur cette terre, montre de nombreux signes d’espérance, malgré sa faiblesse et ses divisions. Nos communautés paroissiales sont vivantes. Les jeunes y sont des messagers actifs pour la justice et la paix. Outre l’engagement des personnes, les institutions diverses des Eglises font de la présence chrétienne une présence active, de service, de prière et d’amour.


3.3.1 Parmi les signes d’espérance, il y a les nombreux centres locaux de théologie, qui ont un caractère social et religieux, dans toutes nos Eglises. Le caractère œcuménique, malgré certaines hésitations, se manifeste de plus en plus dans les rencontres entre les différentes familles d’Eglises.


3.3.2 Les nombreux dialogues interreligieux sont aussi autant de signes d’espérance, notamment le dialogue islamo-chrétien, au niveau des responsables comme au niveau d’une partie du peuple. Toutefois, il faut savoir que le dialogue est une longue marche et un effort qui se perfectionne jour après jour, en vivant les mêmes épreuves et les mêmes attentes. Le dialogue existe aussi entre les trois religions - judaïsme, christianisme et islam - et nombre d’autres dialogues ont lieu aux niveaux académique ou social. Tous ces dialogues s’efforcent d’abattre les murs qu’impose l’occupation et de s’opposer à la déformation de l’image de l’autre dans le cœur de ses frères et sœurs.


3.3.3 Parmi les signes les plus importants d’espérance, il faut mentionner la constance des générations qui croient à la justice de leur cause ainsi que la persévérance de la mémoire, qui n’oublie pas la catastrophe, “la nakba” et sa signification. La même prise de conscience est à l’œuvre dans de nombreuses Eglises à travers le monde, qui désirent mieux connaître la vérité sur ce qui se passe ici.


3.3.4 De plus, nous voyons, chez beaucoup de gens, une détermination à dépasser les rancunes du passé. Ils sont prêts à la réconciliation une fois la justice rétablie. Le monde prend conscience de la nécessité de restaurer les droits politiques des Palestiniens. Des voix juives et israéliennes plaidant pour la paix et la justice s’élèvent à cette fin, soutenues aussi par la communauté internationale. Il est vrai que ceux qui sont pour la justice et la réconciliation restent impuissants à mettre fin à l’injustice. Ils représentent cependant une force humaine qui a son importance et pourrait abréger le temps de l’épreuve et rapprocher celui de la réconciliation.


Mission de l’Eglise


3.4 Notre Eglise est une Eglise d’hommes et de femmes qui prient et servent. Leur prière et leur service sont une prophétie qui porte la voix de Dieu dans le présent et l’avenir. Tout ce qui arrive dans notre pays et à toute personne humaine qui l’habite, toutes les épreuves et les espérances, toute injustice et tout effort pour l’arrêter, tout cela est une partie de la prière de notre Eglise et du service de toutes ses institutions. Nous remercions le Seigneur parce qu’elle élève sa voix contre l’injustice, bien que certains voudraient qu’elle reste dans son silence, isolée dans ses dévotions.


3.4.1 La mission de l’Eglise est une mission prophétique qui proclame la Parole de Dieu dans le contexte local et dans les événements quotidiens, avec audace, douceur et amour pour tous. Et si l’Eglise prend un parti, c’est celui de l’opprimé. Elle se tient à ses côtés, de même que Jésus s’est mis du côté du pauvre et du pécheur qu’il a appelé à se repentir, à vivre et à retrouver la dignité que Dieu lui a donnée et dont personne n’a le droit de le priver.


3.4.2 La mission de l’Eglise consiste à annoncer le royaume de Dieu, un royaume de justice, de paix et de dignité. Notre vocation comme Eglise vivante est de témoigner de la bonté de Dieu, et de la dignité de la personne humaine. Nous sommes appelés à prier et à élever notre voix pour annoncer une société nouvelle où les hommes croient en leur dignité et en celle de leur adversaire.


3.4.3 L’Eglise annonce le Royaume de Dieu, qui ne peut être lié à aucun régime terrestre. Jésus dit devant Pilate : “Oui, je suis roi, mais mon royaume n’est pas de ce monde” (cf. Jn 18,36.37). Saint Paul dit : “Le règne de Dieu n’est pas affaire de nourriture ou de boisson, il est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint” (Rm 14,17). C’est pourquoi la religion ne soutient et ne défend aucun régime politique injuste. Elle soutient et défend la justice, la vérité et la dignité humaine et essaie de porter la purification nécessaire dans les régimes qui pratiquent l’injustice et violent la dignité de la personne humaine. Le royaume de Dieu ne peut être lié à aucun système politique, car il est plus grand, plus universel que tout système politique en particulier.


3.4.4 Jésus dit : “Le royaume de Dieu est parmi vous” (cf. Lc 17,21). Cette présence en nous et parmi nous est l’extension du mystère de la Rédemption et c’est la présence de Dieu parmi nous et le fait d’en prendre conscience en tout ce que nous faisons ou disons. Devant cette présence divine, nous agissons jusqu’à ce que soit accomplie la justice que nous attendons sur cette terre.


3.4.5 Les dures circonstances qu’a vécues et que vit encore notre Eglise palestinienne l’ont amenée à purifier sa foi et à mieux connaître sa vocation. Nous avons réfléchi sur notre vocation et nous l’avons mieux découverte au milieu de la souffrance et de l’épreuve : aujourd’hui nous portons en nous la force de l’amour, non pas celle de la vengeance ; la culture de la vie, non pas celle de la mort. Ceci est source d’espoir pour nous, pour l’Eglise et pour le monde.


3.5 La Résurrection est le fondement de notre espérance. Jésus est ressuscité, vainqueur de la mort et du mal. Ainsi pouvons-nous, nous aussi, et tous les habitants de cette terre, vaincre le mal de la guerre grâce à elle. Quant à nous, nous resterons une Eglise de témoins, persévérante et agissante sur la terre de la Résurrection.


4. L’amour


Le commandement de l’amour


4.1 Le Christ nous a dit : “Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés” (Jn 13,24). Il nous a déjà montré comment aimer et comment traiter nos ennemis. Il a dit : “Vous avez entendu qu’il a été dit : aimez vos amis et haïssez vos ennemis. Moi, je vous dis : aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent afin de devenir fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et les bons et tomber la pluie sur les justes et injustes” (Mt 5,45-47).


Saint Paul dit : “Ne rendez pas le mal pour le mal” (Rm 12,17) et saint Pierre : "Ne rendez pas mal pour mal, insulte pour insulte. Bénissez au contraire, car c’est à cela que vous êtes appelés, afin d’hériter la bénédiction” (1P 3,9).


La Résistance


4.2 Les paroles de Jésus sont claires. Aimer, voilà ce qu’il nous a donné comme commandement : aimer les amis et les ennemis. Voilà une directive claire, lorsque nous nous trouvons dans des circonstances dans lesquelles nous devons résister au mal, quel qu’il soit.


4.2.1 Aimer c’est voir le visage de Dieu en tout être humain. Toute personne est mon frère et ma sœur. Néanmoins, voir le visage de Dieu en toute personne ne veut pas dire consentir au mal ou à l’oppression de sa part. L’amour consiste plutôt à corriger le mal et à arrêter l’oppression.


L’injustice imposée au peuple palestinien, c’est-à-.dire l’occupation israélienne, est un mal auquel il faut résister. C’est un mal et un péché auquel il faut résister et qu’il faut écarter. Cette responsabilité incombe tout d’abord aux Palestiniens eux-mêmes qui subissent l’occupation. L’amour chrétien en effet appelle à la résistance à l’occupation, mais l’amour met fin au mal, en prenant les voies de la justice. Elle incombe ensuite à la communauté internationale, car la légitimité internationale gouverne aujourd’hui les rapports entre les peuples, et c’est en fin l’oppresseur lui-même qui doit se libérer du mal qui est en lui et de l’injustice qu’il exerce contre les autres..


4.2.2 Lorsque nous passons en revue l’histoire des peuples nous y trouvons des guerres fréquentes. Nous y trouvons la résistance à la guerre par la guerre, et à la violence par la violence. Le peuple palestinien a tout simplement pris la route de tous les peuples, surtout dans les premières phases de sa lutte contre l’occupation israélienne. Mais il a aussi résisté pacifiquement, notamment durant sa première intifada. Avec tout cela, nous voyons que tous les peuples doivent s’engager dans une nouvelle voie dans leurs rapports les uns avec les autres et pour la solution de leurs conflits : éviter les voies de la force militaire et recourir aux voies de la justice. Cela s’impose en premier lieu aux peuples puissants militairement qui exercent l’injustice à l’égard de peuples plus faibles.


4.2.3 Nous disons que notre option chrétienne face à l’occupation israélienne est la résistance ; c’est là un droit et un devoir des chrétiens. Or cette résistance doit suivre la logique de l’amour. Elle doit donc être créative, c’est-à-dire qu’il lui faut trouver les moyens humains qui parlent à l’humanité de l’ennemi lui-même. Le fait de voir l’image de Dieu dans le visage de l’ennemi même et de prendre des positions de résistance à la lumière de cette vision est le moyen le plus efficace pour arrêter l’oppression et contraindre l’oppresseur à mettre fin à son agression et, ainsi, atteindre le but voulu : récupérer la terre, la liberté, la dignité et l’indépendance.


4.2.4 Le Christ nous a donné un exemple à suivre. Nous devons résister au mal, mais il nous a enseigné de ne pas résister au mal par le mal. C’est un commandement difficile, surtout lorsque l’ennemi s’obstine dans sa tyrannie et persiste à nier notre droit à exister ici dans notre terre. C’est un commandement difficile. Mais c’est le seul qui peut tenir tête aux déclarations claires et explicites des autorités israéliennes refusant notre existence ou à leurs divers prétextes pour continuer à nous imposer l’occupation.


4.2.5 La résistance au mal de l’occupation s’insère donc dans cet amour chrétien qui refuse le mal et le corrige. C’est une résistance à l’injustice sous toutes ses formes et avec les moyens qui rentrent dans la logique de l’amour. Nous investissons toutes nos énergies pour faire la paix. Nous pouvons recourir à la désobéissance civile. Nous résistons, non par la mort, mais par le respect de la vie. Nous respectons et vénérons tous ceux qui ont donné leur vie pour la patrie. Et nous disons aussi que chaque citoyen doit être prêt à défendre sa vie, sa liberté et sa terre.


4.2.6 L’appel lancé par des organisations civiles palestiniennes, des organisations internationales, des ONG et certaines institutions religieuses aux individus, entreprises et Etats en faveur d’un boycott économique et commercial de tout produit de l’occupation, s’insère dans la logique de la résistance pacifique. Ces campagnes de soutien et de solidarité doivent se faire avec courage, tout en proclamant sincèrement et clairement que leur but n’est pas de se venger de qui que ce soit, mais de mettre fin au mal qui existe, pour en libérer l’oppresseur et l’opprimé. L’objectif est d’affranchir les deux peuples des positions extrémistes des différents gouvernements israéliens, afin de parvenir enfin à la justice et à la réconciliation. Avec cet esprit et cette action, nous finirons par arriver à la solution tant attendue, comme cela s’est réalisé en Afrique du Sud et pour d’autres mouvements de libération dans le monde.


4.3 Par notre amour nous dépassons les injustices pour jeter les bases d’une nouvelle société, pour nous et pour nos adversaires. Notre avenir et le leur ne font qu’un : ou bien un cercle de violence dans lequel nous périssons ensemble, ou bien une paix dont nous jouissons ensemble. Nous invitons les Israéliens à renoncer à leur injustice à notre égard, à ne pas déformer la vérité de l’occupation en prétendant lutter contre le terrorisme. Les racines du “terrorisme” sont l’oppression de la personne humaine et le mal de l’occupation. Il faut que cela disparaisse si vraiment il y a une volonté sincère de mettre fin au “terrorisme”. Nous invitons les Israéliens à être partenaires de paix et non partenaires dans un cycle de violence sans fin. Ensemble, nous résistons au mal, celui de l’occupation, et celui du cycle infernal de la violence.


5. Appel à nos frères et sœurs dans la foi


5.1 Nous sommes aujourd’hui tous dans l’impasse, et nous nous trouvons face à un avenir menaçant. Notre parole à nos frères et sœurs dans la foi est une parole d’espoir, de patience, de persévérance, et d’un effort toujours renouvelé pour préparer un avenir meilleur. Une parole qui nous dit à tous : nous sommes, dans cette terre, porteurs d’un message, et nous continuerons à le porter, même entre les épines, le sang et les difficultés quotidiennes. Nous mettons notre espoir en Dieu. C’est lui qui nous accordera la paix à l’heure qu’il voudra. Mais en même temps nous agissons. Avec lui et selon sa volonté divine, nous continuons d’agir, de construire, de résister au mal et de rapprocher l’heure de la j


ustice et de la paix.


5.2 Nous leur disons : C’est un temps de pénitence, qui nous ramène à la communion de l’amour avec tout souffrant, avec les prisonniers, les blessés, ceux qui ont été atteints d’un handicap pour un temps ou pour toujours, avec les enfants qui ne peuvent vivre leur enfance, avec tous ceux qui pleurent quelqu’un qui leur est cher. La communion de l’amour dit au croyant en esprit et en vérité : mon frère est prisonnier, je suis donc moi prisonnier. Mon frère a sa maison démolie, c’est ma maison qui est démolie. Mon frère a été tué, c’est moi qui ai été tué. Nous faisons face aux mêmes défis. Nous sommes partie prenante de tout ce qui s’est passé et se passe encore. Peut-être que nous nous sommes tus, nous, fidèles ou chefs d’Eglises, alors qu’il fallait élever la voix pour condamner l’oppression et partager l’épreuve. C’est maintenant un temps de pénitence, pour le silence, l’indifférence, le manque de communion, ou parce que nous n’avons pas été fidèles à notre témoignage dans cette terre alors nous avons choisi d’émigrer, ou parce que nous n’avons pas assez réfléchi et agi pour arriver à une vision nouvelle qui nous unit alors nous nous sommes divisés, donnant un contre témoignage, affaiblissant ainsi notre parole. Une pénitence, pour nous être préoccupés de nos institutions aux dépens de notre message, et pour cela nous avons fait taire la voix prophétique que l’Esprit donne aux Eglises.


5.3 Nous invitons les chrétiens à résister dans ces temps difficiles, comme nous l’avons fait à travers les siècles et la succession des Etats et des gouvernements. Soyez patients, constants, pleins d’espoir et remplissez de cet espoir le cœur de tout frère et de toute sœur qui partage avec vous la même difficulté. Soyez “toujours prêt à répondre à quiconque demande raison de l’espérance qui est en vous” (1P 3,15). Soyez toujours actifs, partageant tous les sacrifices que requiert la résistance selon la logique de l’amour, afin de triompher de l’épreuve que nous endurons.


5.4 Notre communauté est petite, mais notre mission est grande et importante. Le pays a un grand besoin d’amour. Notre amour est un message pour les musulmans, pour les juifs et pour le monde.


5.4.1 Notre message aux musulmans est un message d’amour et de convivialité et un appel à rejeter le fanatisme et l’extrémisme. C’est aussi un message pour le monde, pour lui dire que les musulmans ne sont pas un objet de combat ou un lieu de terrorisme, mais un but de paix et de dialogue.


5.4.2 Notre message aux juifs leur dit : “ Si, dans le passé récent, nous nous sommes combattus, et aujourd’hui encore nous ne cessons de nous combattre, nous sommes cependant capables d’amour et de vie ensemble, aujourd’hui et demain. Nous sommes capables d’organiser notre vie politique avec toutes ses complexités selon la logique et la force de l’amour, une fois l’occupation terminée et la justice rétablie.”


5.4.3 La parole de foi dit à tous ceux qui sont engagés dans l’action politique : l’homme n’est pas créé pour haïr. Il n’est pas permis de haïr. Il ne vous est pas permis de tuer ni de vous faire tuer. La culture de l’amour est la culture de l’acceptation de l’autre. Par elle, la personne atteint sa propre perfection, et la société réalise sa stabilité.


6. Appel aux Eglises du monde


6.1. Notre appel aux Eglises du monde est d’abord l’expression de notre reconnaissance pour leur solidarité, par leur parole, leur action et leur présence parmi nous. C’est une parole d’appréciation pour la position de plusieurs Eglises et chrétiens qui soutiennent le droit du peuple palestinien à son auto-détermination. C’est aussi un message de solidarité avec ces Eglises et ces chrétiens qui souffrent parce qu’ils défendent le droit et la justice.


Mais c’est aussi un appel à la conversion et à la révision de certaines positions théologiques fondamentalistes qui soutiennent des positions politiques injustes à l’égard du peuple palestinien. C’est un appel à prendre le parti de l’opprimé, à faire en sorte que la Parole de Dieu reste une annonce de bonne nouvelle pour tous, et à ne pas la transformer en une arme qui tue l’opprimé. La Parole de Dieu est une parole d’amour pour toutes ses créatures. Dieu n’est l’allié de personne contre personne. Il n’est pas non plus l’adversaire avec l’un face à l’autre. Il est le Seigneur de tous. Il aime tous, il demande justice à tous et il donne ses mêmes commandements à tous. C’est pourquoi nous demandons aux Eglises de ne pas donner une couverture théologique à l’injustice dans laquelle nous vivons, c’est-à-dire le péché de l’occupation qui nous est imposée. La question que nous adressons aujourd’hui à nos frères et sœurs dans toutes les Eglises est la suivante : pouvez-vous nous aider à retrouver notre liberté ? Ainsi seulement vous aiderez les deux peuples de cette terre à parvenir à la justice, à la paix, à la sécurité et à l’amour.


6.2 Pour comprendre notre réalité, nous disons aux Eglises : venez et voyez. Notre rôle consiste à vous faire connaître la vérité et à vous accueillir comme pèlerins qui viennent pour prier et remplir une mission de paix, d’amour et de réconciliation. Venez connaître les faits et découvrir les gens qui peuplent cette terre, Palestiniens et Israéliens.


6.3 Nous condamnons toute forme de racisme, religieux ou ethnique, y compris l’antisémitisme et l’islamophobie et nous vous invitons à condamner tout racisme et à vous y opposer fermement de quelque façon qu’il se manifeste. Avec cela, nous vous invitons à dire une parole de vérité et à prendre des positions de vérité en ce qui concerne l’occupation du Territoire palestinien par Israël. Et, comme nous l’avons déjà dit, nous voyons dans le boycottage et le retrait de s investissements un moyen non violent pour atteindre la justice, la paix et la sécurité pour tous


7. Appel à la communauté internationale


Nous demandons à la communauté internationale de cesser la pratique “des deux poids deux mesures” et d’appliquer à toutes les parties les résolutions internationales qui ont trait à la question palestinienne. Car l’application de la loi internationale aux uns et sa non-application aux autres laisse la porte grande ouverte à la loi de la jungle. Cela justifie aussi les prétentions de groupes armés et de nombreux pays qui disent que la communauté internationale ne comprend que le langage de la force. Nous vous invitons aussi à écouter l’appel des organisations civiles et religieuses mentionnées plus haut pour commencer à appliquer à l’égard d’Israël le système des sanctions économiques et du boycott. Nous le répétons encore une fois, il ne s’agit pas de se venger, mais de parvenir à une action sérieuse pour une paix juste et définitive, qui mette fin à l’occupation israélienne des Territoires palestiniens et d’autres territoires arabes occupés, et qui garantisse la sécurité et la paix à tous


8. Appel aux chefs religieux juifs et musulmans


Nous adressons enfin un appel aux chefs religieux et spirituels, juifs et musulmans, avec qui nous partageons la même vision : toute personne humaine est créée par Dieu et tient de lui la même dignité. D’où l’obligation de défendre l’opprimé et la dignité que Dieu lui a accordée. Ainsi, nous nous élevons ensemble au-dessus des positions politiques qui ont échoué jusqu’à maintenant et continuent à nous mener dans les voies de l’échec et de l’épreuve. En effet, les voies de l’Esprit sont différentes de celles des pouvoirs de cette terre, car “les voies de Dieu sont toutes miséricorde et vérité” (Ps 25/24,10).


9. Appel à notre peuple palestinien et aux Israéliens


9.1 C’est un appel à voir le visage de Dieu en chacune de ses créatures, et à aller au-delà des barrières de la peur ou de la race, pour établir un dialogue constructeur, non pour persister dans des manœuvres qui n’en finissent jamais et qui n’ont pour but que de maintenir la situation telle qu’elle est. Notre appel vise à parvenir à une vision commune bâtie sur l’égalité et le partage, non sur la supériorité, ni sur la négation de l’autre ou l’agression, sous prétexte de peur et de sécurité. Nous disons que l’amour est possible et que la confiance mutuelle est possible. Donc, la paix aussi est possible, tout comme la réconciliation définitive. Ainsi la sécurité et la justice pour tous se réaliseront-elles.


9.2 Le domaine de l’éducation est important. Il faut que les programmes d’éducation fassent connaître l’autre tel qu’il est et non à travers le prisme de la querelle, de l’hostilité ou du fanatisme religieux. En fait, les programmes de l’éducation religieuse et humaine sont aujourd’hui empreints de cette hostilité Il est temps de commencer une éducation nouvelle qui fait voir le visage de Dieu dans l’autre et qui dit que nous sommes capables de nous aimer les uns les autres et de construire ensemble notre avenir de paix et de sécurité.


9.3 Le caractère religieux de l’Etat, qu’il soit juif ou musulman, étouffe l’Etat, le tient prisonnier dans des limites étroites, en fait un Etat qui préfère un citoyen à l’autre et pratique l’exclusion et la discrimination entre ses citoyens. Notre appel aux juifs et aux musulmans religieux est le suivant : que l’Etat soit pour tous ses citoyens, bâti sur le respect de la religion, mais aussi sur l’égalité, la justice, la liberté et le respect du pluralisme, non sur la domination du nombre ou de la religion.


9.4 Aux dirigeants palestiniens, nous disons que les divisions internes ne font que nous affaiblir et augmenter nos souffrances, alors que rien ne les justifie. Pour le bien du peuple, qui passe avant celui des partis, il faut y mettre fin. Nous demandons à la communauté internationale de contribuer à cette union et de respecter la volonté du peuple palestinien librement exprimée.


9.5 Jérusalem est la base de notre vision et de toute notre vie. Elle est la ville à laquelle Dieu a donné une importance particulière dans l’histoire de l’humanité. Elle est la ville vers laquelle tous les peuples s’acheminent et où ils se rencontrent dans l’amitié et l’amour en présence du Dieu un et unique, selon la vision du prophète Esaïe : “Il arrivera dans la suite des temps que la montagne de la maison de Dieu sera établie en tête des montagnes et s’élèvera au-dessus des collines. Alors toutes les nations afflueront vers elle…. Il jugera entre les nations, il sera l’arbitre de peuples nombreux. Ils briseront leurs épées pour en faire des socs et leurs lances pour en faire des serpes. On ne lèvera plus l’épée nation contre nation, on n’apprendra plus à faire la guerre” (Is 2, 2-5).


C’est sur cette vision prophétique et sur la légitimité internationale concernant l’ensemble de Jérusalem – habitée aujourd’hui par deux peuples et trois religions - que doit se fonder toute solution politique. C’est le premier point à traiter dans les pourparlers, car la reconnaissance de sa sainteté et de sa vocation sera une source d’inspiration pour la résolution de l’ensemble du problème, qui relève de la confiance mutuelle et de la capacité à construire une “nouvelle terre” sur cette terre de Dieu.


10. Espérance et foi en Dieu


10. En l’absence de tout espoir, nous faisons entendre aujourd’hui notre cri d’espérance. Nous croyons en un Dieu bon et juste. Nous croyons que sa bonté finira par triompher sur le mal de la haine et de la mort qui règnent encore sur notre terre. Et nous finirons par entrevoir une “terre nouvelle” et un “homme nouveau”, capable de s’élever par son esprit jusqu’à l’amour de tous ses frères et sœurs qui habitent cette terre.


Sa Béatitude Mgr Michel Sabbah


Patriarche latin de Jérusalem (1987-2008). Président de Pax Christi International (1999-2007). Grand Prieur de l’Ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem