par Ali Abunimah - The Electronic Intifada
Ce que nous avons fait en solidarité avec le peuple palestinien dans
Gaza et le reste de la Palestine est encore insuffisant. Mais notre
mouvement va croissant, il ne peut pas être arrêté, et nous atteindrons
notre destination
Plus de 1 400 Palestiniens ont été
tués dans l’opération Plomb durci, mais selon l’auteur, la guerre a nui
sérieusement à l’image d’Israël dans l’opinion publique internationale.
(EPA)
Un an a passé depuis l’agression sauvage israélienne sur la bande de Gaza, mais pour la population là-bas, le temps aurait aussi bien pu s’arrêter.
Depuis que les Palestiniens dans Gaza ont enterré les
leurs - plus de 1 400 personnes, dont près de 400 enfants -, il y a eu
bien peu de guérisons et pratiquement pas de reconstructions.
Selon des organismes humanitaires internationaux, seuls
14 camions de matériaux de construction ont pu entrer dans la bande de
Gaza au cours de l’année écoulée.
Les promesses de milliards faites à la conférence des
donateurs, en mars dernier en Egypte, à laquelle participaient les
sommités de la soi-disant « communauté internationale » et celles de
l’industrie du processus de paix au Moyen-Orient n’ont pas été tenues,
et le siège israélien soutenu par les Etats-Unis, l’Union européenne,
les Etats arabes et, tacitement, par l’Autorité palestinienne de
Ramallah se poursuit.
Politique de destructions
De la masse des statistiques, interminables,
effroyables, quelques-unes ressortent : sur les 640 établissements
scolaires de Gaza, 18 ont été complètement détruits et 280 endommagés
par les frappes israéliennes. 250 étudiants et 15 enseignants ont été
tués.
Sur les 122 établissements de santé estimés par l’Organisation mondiale de la Santé, 48% ont été endommagés ou détruits.
90% des ménages de la bande de Gaza subissent toujours
des coupures d’électricité de 4 à 8 heures par jour, à cause des
attaques israéliennes sur le réseau d’électricité et des dégradations
dues au blocus.
46% des terres agricoles autrefois productives ne sont
plus utilisables à cause des dommages israéliens sur les exploitations
agricoles et des zones de tir libre décidées par Israël. Les
exportations de Gaza qui montaient à 130 000 tonnes par an, de tomates,
de fleurs, de fraises et d’autres fruits, sont tombées à zéro.
« Si une grande partie de la bande de Gaza est toujours en ruines, » a déclaré récemment un groupe d’organisations humanitaires internationales, « ce n’est pas un accident, c’est une question politique ».
Cette politique a été claire tout au long, et elle n’a rien à voir avec la « sécurité » d’Israël.
Détruire la résistance
Du 19 juin au 4 novembre 2008, le calme avait prévalu
entre Israël et Gaza, le Hamas se conformant scrupuleusement - comme
Israël lui-même l’a reconnu - au cessez-le-feu négocié.
Ce cessez-le-feu fut rompu quand Israël lança une attaque surprise sur
Gaza, tuant 6 personnes, à laquelle le Hamas et d’autres groupes de
résistances ripostèrent.
Et même alors, les factions palestiniennes se tenaient
prêtes à renouveler le cessez-le-feu, mais c’est Israël qui a refusé,
choisissant au contraire de lancer une attaque de grande ampleur,
préméditée, sur les fondements de la vie civilisée dans la bande de
Gaza.
L’opération Plomb durci, comme elle fut nommée par
Israël, était une tentative de détruire une fois pour toutes la
résistance palestinienne en général, et le Hamas en particulier, Hamas
qui avait remporté les élections de janvier 2006 et survécu au blocus,
ainsi qu’aux nombreuses tentatives appuyées par les Etats-Unis pour le
saper et le renverser, en collaboration avec des milices palestiniennes
soutenues par les Etats-Unis.
A l’instar des multiples sanctions contre l’Irak au
cours des années 90, le blocus de Gaza était calculé pour priver les
civils des produits de première nécessité, de leurs droits et de leur
dignité, dans l’espoir que leurs souffrances conduiraient leurs
dirigeants à la capitulation ou l’effondrement.
A bien des égards, les choses sont peut-être plus graves aujourd’hui qu’il y a un an.
Barack Obama, président US, dont beaucoup espéraient
qu’il abandonne la politique anti-palestinienne malveillante de son
prédécesseur, George Bush, l’a au contraire affermie et même le
simulacre d’un sérieux effort de paix s’est évanoui.
Selon les médias, le Corps du Génie de l’armée
américaine apporte son aide à l’Egypte pour la construction d’un mur
souterrain à sa frontière avec Gaza pour bloquer les tunnels qui font
office de bouée de sauvetage pour le territoire assiégé (des ressources
et des efforts qui feraient mieux d’être utilisés pour reconstruire la
Nouvelle-Orléans dévastée par l’ouragan), et l’armement états-unien
continue d’affluer vers les milices de Cisjordanie engagées dans une
guerre parrainée par les USA et Israël contre le Hamas et quiconque
pourrait résister à l’occupation et à la colonisation israéliennes.
L’opinion publique a changé
Ces faits sont indéniables et sinistres.
Pour l’auteur, la guerre visait à éroder le soutien au Hamas, et elle a échoué.
(Gallo/Getty)
Cependant, s’en tenir à eux serait passer à côté d’une
réalité beaucoup plus dynamique qui laisse penser que la puissance et
l’impunité d’Israël ne sont pas aussi invulnérables qu’il ne le paraît.
Un an après l’attaque d’Israël et après plus de deux
ans et demi de blocus, la population palestinienne dans la bande de
Gaza n’a pas capitulé. Au contraire, elle a donné des leçons au monde,
de ténacité et de dignité, cela même à un coût épouvantable,
inimaginable pour elle.
Il est vrai que les dirigeants de l’Union européenne
-venus dans la Jérusalem occupée, en janvier dernier, étreindre
publiquement Ehud Olmert, alors Premier ministre israélien, pendant que
le phosphore blanc calcinait la chair des enfants de Gaza et que les
corps gisaient sous les décombres - il est vrai que ces dirigeants se
sont faits petits devant leurs lobbies proisraéliens respectifs, tout
comme les politiciens états-uniens et canadiens.
Mais le changement de l’opinion publique est palpable
alors que les propres actions d’Israël font de ce pays un paria dont
les forces motrices ne sont pas les valeurs libérales démocratiques
auxquelles il prétend s’identifier, mais l’ultralibéralisme, le
racisme, le fanatisme religieux, le colonialisme et un ordre juif
supérieur, imposés par des massacres répétés.
La cause universaliste de justice et de libération pour
les Palestiniens gagne de nouveaux adeptes et se dynamise
particulièrement chez les jeunes.
Je l’ai vu, par exemple, avec les étudiants malaisiens
que j’ai rencontrés à la conférence Solidarité Palestine organisée par
l’Union des ONG du monde islamique, à Istanbul, en mai dernier.
Et à nouveau en novembre, alors que des centaines
d’organisateurs étudiants venant de partout des Etats-Unis et du Canada
s’accordaient pour planifier leur participation à la campagne mondiale
des Palestiniens pour le Boycott, les Désinvestissements et les
Sanctions (BDS) sur le modèle de la lutte victorieuse menée contre
l’apartheid sud-africain dans les années 80.
Un Etat « décadent »
Cette semaine, des milliers de personnes de plusieurs
dizaines de pays tentent d’aller à Gaza pour briser le siège et marcher
aux côtés des Palestiniens qui en ont prévu l’organisation à
l’intérieur de leur territoire.
Toutes celles et tous ceux qui sont venus avec la Marche de la liberté pour Gaza, avec Viva Palestina
et les autres délégations en représentent sans doute des centaines
d’autres qui ne pouvaient faire le voyage en personne et qui marquent
l’évènement avec des manifestations et des commémorations, des visites
à leurs élus et des campagnes de presse.
Face à cet épanouissement du militantisme, le sionisme
fait tout pour rajeunir sa base de soutien qui décline.
Des programmes de plusieurs millions de dollars destinés à recruter et
à sioniser de jeunes juifs américains ont du mal à rivaliser avec des
organisations tel que le Réseau international juif antisioniste (IJAN), qui ne court pas après l’argent mais dont l’engagement se fonde sur le principe d’égalité des hommes.
De plus en plus, nous voyons les efforts de la hasbara
(propagande) d’Israël ne lancer aucun message positif, n’avancer aucun
argument convaincant pour le maintien d’un statu quo dans une
répression et une violence innommables, ils misent au contraire sur une
diabolisation et une déshumanisation racistes des Arabes et des
musulmans pour justifier les actions d’Israël, voire sa propre
existence.
Face à une prise de conscience mondiale et un soutien
croissants pour le combat non violent courageux contre le vol permanent
des terres en Cisjordanie, Israël intensifie sa violence et emprisonne
les dirigeants du mouvement, comme à Bil’in et dans d’autres villages
(Mohammed Othma, Jamal Juma et Abdallah Abu Rahmeh sont de ces
dirigeants du mouvement qui ont été récemment arrêtés).
La peur de voyager
En agissant ainsi, Israël ressemble de plus en plus à
un Etat décadent, raté, pas à un régime confiant dans sa légitimité et
sa longévité.
Et malgré les efforts de l’industrie d’un processus de
paix raté pour le tourner en ridicule, le réprimer et le marginaliser,
un débat se développe parmi les Palestiniens, et même parmi des
Israéliens, pour un avenir partagé dans une Palestine/Israël fondée sur
l’égalité et la décolonisation, et non sur une ségrégation nationale
ethnique et une répartition forcée.
Dernier point, mais certainement pas le moindre, dans
l’ombre du rapport Goldstone, les dirigeants israéliens qui se
déplacent à travers le monde ont peur de se faire arrêter pour leurs
crimes.
Pour l’instant, ils peuvent compter sur l’impunité
qu’une complicité internationale de haut niveau et leur force d’inertie
et influence peuvent encore leur offrir.
Mais pour la communauté internationale - faite de
peuples et de mouvements -, se pose la question de savoir si nous
voulons continuer de voir le système très inachevé du droit
international et de la justice, minutieusement élaboré après les
horreurs de la Deuxième Guerre mondiale et l’Holocauste nazi, se
démanteler et se corrompre pour l’intérêt d’un Etat voyou.
Ce que nous avons fait en solidarité avec le peuple
palestinien dans Gaza et le reste de la Palestine est encore
insuffisant. Mais notre mouvement va croissant, il ne peut pas être
arrêté, et nous atteindrons notre destination.
Source: The electronic Intifada
Ali Abunimah est cofondateur de The Electronic Intifada et l’auteur de One Country : A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse (Metropolitan Books, 2006).
Ali Abunimah est cofondateur de The Electronic Intifada et l’auteur de One Country : A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse (Metropolitan Books, 2006).
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